ActualitésDécryptageNucléairePolitiques énergétiquesTOPPublié le 12.10.2021 par La rédaction
La Commission européenne a, par une lettre de son vice-Président, Frans Timmermans, adressée à 86 députés européens, confirmé qu’elle suivrait les conclusions des rapports d’experts scientifiques européens en matière de finance verte et de nucléaire. Pour le Cérémé (Cercle d’Étude Réalités Écologiques et Mix Énergétique), c’est « un grand pas vers l’inscription du nucléaire dans les activités « durables » ». Interview de son président Xavier Moreno.
Quels sont les véritables enjeux de l’inclusion ou non du nucléaire dans la taxonomie européenne ?
La taxonomie européenne consiste à identifier les activités économiques durables, en se fondant sur leurs émissions de gaz à effet de serre et sur leur impact environnemental, de manière à orienter vers elles les capitaux privés et publics, au détriment des activités regardées comme préjudiciables à l’environnement.
Il s’agit d’une classification qui servira de référence aux acteurs de l’économie, notamment aux investisseurs et aux institutions financières, pour atteindre les objectifs du Pacte Vert pour l’Europe : une réduction de 55% des émissions de GES en 2030 par rapport à 1990 et la neutralité carbone en 2050.
Tous les experts européens concluent que cet objectif de neutralité carbone, auquel les membres de notre Cercle d’études adhèrent pleinement, ne pourra être atteint sans l’inclusion du nucléaire dans la taxonomie européenne. L’exemple allemand a montré que renoncer au nucléaire nécessitait de recourir plus massivement au gaz et au charbon, même en investissant fortement dans les renouvelables.
En effet les énergies renouvelables, comme l’éolien ou le solaire, dépendent …. du soleil et du vent ! Leur intermittence ne peut être compensée par du stockage à l’échelle des quantités en jeu et avec les technologies actuelles . Il faut donc les doubler par des énergies fossiles (gaz et charbon) .
Le nucléaire est la seule énergie décarbonée à même de répondre aux besoins. Pourquoi ? Parce que c’est l’énergie la plus dé-carbonée avec l’hydraulique. Parce qu’elle est produite de manière concentrée sur un petit nombre de sites, ce qui facilite son acheminement dans le réseau et évite d’occuper de grandes surfaces au sol.
Parce qu’elle est pilotable et donc on peut compter sur elle pour faire face aux pointes de consommation.
Parce que, enfin, elle garantira un approvisionnement des Français à des prix stables et supportables tandis que le couple renouvelables / Gaz rend les prix dépendant des fournisseurs de gaz et cumule le double coût des renouvelables quand la météo et défavorable et que les centrales à gaz prennent le relais pour les périodes sans vent ni soleil.
Tous les systèmes de stockage imaginés pour éviter le couplage avec le gaz ont à la fois de mauvais rendement, un impact environnemental négatif ( batteries ), et un coût insupportable pour les consommateurs .
Quelles seraient les conséquences si le nucléaire en était exclu ?
La première conséquence serait de détourner les flux financiers de tout investissement dans le nucléaire. Ce qui rendrait très difficile l’indispensable renouvellement du parc actuel. Ce serait donc un désastre pour la sécurité d’approvisionnement des Français en électricité et pour le climat. En incitant à investir dans les énergies renouvelables, la taxonomie conduirait inéluctablement à une dégradation du bilan carbone de l’UE pour les raisons dites ci dessus liées à l’intermittence. L’Allemagne nous en fait aujourd’hui la démonstration.
Cette décision serait également calamiteuse sur le plan économique. La France, dont le mix électrique est déjà décarboné à 92% grâce au nucléaire et à l’hydraulique, gagnerait à cibler ses investissements publics dans la rénovation thermique des bâtiments ou le développement des transports en commun plutôt que de gaspiller l’argent public dans le développement des énergies renouvelables intermittentes, inutiles pour réduire les émissions de CO2 et qui demain imposeront de nouvelles centrales à gaz.
Inversement cette industrie de pointe et créatrice d’emplois non délocalisables qu’est le nucléaire a besoin de l’accès aux financements européens, car elle nécessite des investissements lourds.
Pourquoi le nucléaire, pourtant bas carbone, n’est-il pas spontanément classé durable ?
Le nucléaire, comme toutes les énergies, comporte des inconvénients et des risques. Ces derniers sont remarquablement maîtrisés dans le parc français et surveillés aussi par un réseau international et des normes communes de sécurité.
Mais face à la dimension émotionnelle de ces risques, les États membre et la Commission se sont entendus pour lancer un processus plus long et approfondi que celui retenu pour les autres énergies.
Les travaux demandés aux experts sont maintenant terminés. Leurs conclusions « science based » sont très favorables à l’inclusion du nucléaire dans la Taxonomie.
Ce qui a déclenché un baroud d’honneur d’opposition de pays comme l’Allemagne ou l’Autriche qui avaient pourtant accepté de faire reposer la décision sur celle du Comité scientifique . On voit la part du jeu politique intérieur et de la rivalité avec les atouts énergétiques de la France.
Plus précisément, le Joint Research Committee, qui est le laboratoire de recherche de l’UE, a démontré, en mars dernier, dans un rapport de 600 pages qu’en plus d’être l’une des énergies les plus décarbonées, l’électricité d’origine nucléaire n’entraînait pas de nuisances environnementales supérieures à celles des autres énergies. Ce constat est corroboré par les experts du GIEC, qui voient en l’énergie électronucléaire la seule alternative crédible aux énergies fossiles pour réduire, dans les 30 ans prochaines années, les émissions de CO2.
Rappelons que si L’Allemagne milite ainsi contre l’inclusion du nucléaire dans la taxonomie européenne elle souhaite que le gaz naturel soit considéré comme une énergie de transition… alors qu’il émet 8 fois plus de CO2 par kWh que le nucléaire !
A ces pressions étatiques, s’ajoutent des pressions idéologiques exercées par des ONG dites écologistes, qui alimentent des peurs irrationnelles sur le nucléaire. Certaines d’entre elles sont représentées dans le groupe d’experts techniques sur la finance durable, qui conseille la Commission sur la taxonomie.