242– Observation reçue le 21/10/2021 à 15h54
Bonjour,
Alors que le projet éolien de la Basse Joux est déjà bien avancé, faut-il s’intéresser à l’impact potentiel de ce projet sur les abeilles ? Il semble que oui. En effet, de nombreux témoignages d’apiculteurs font état d’effets négatifs des éoliennes sur les abeilles : observations de troubles de l’orientation et de l’essaimage après l’implantation d’éoliennes près de leurs ruchers. La raison serait les infrasons émis à grande distance par les éoliennes qui interfèrent avec les modes de communications des abeilles.
Rien de tout cela n’a été discuté dans l’étude d’impact du dossier public.
Les seules études dont nous disposons aujourd’hui concernent les fréquences de perception de l’abeille ainsi que les fréquences d’émission des éoliennes. Les abeilles communiquent par de nombreux sens ; parmi ces sens le son et les vibrations jouent un rôle primordial dans cette communication au sein de la colonie(1 ).
Le chant des jeunes reines est produit par la vibration du thorax et transmis par les rayons(2 ). Les ouvrières aussi produisent des signaux vibratoires notamment au cours de la danse frétillante qui permet d’informer leurs congénères sur la distance et la qualité des sources de nourriture(2 ). Enfin, les vibrations sont également utilisées dans le repérage pendant le butinage(3) . Il a été démontré que les abeilles étaient capables de produire et de percevoir des sons d’une fréquence en-dessous de 10 Hz (les infrasons) jusqu’à 500 Hz (basses fréquences)(4 ).
On sait par ailleurs que les éoliennes sont des sources de bruit dont la part des infrasons et sons basses fréquences prédomine dans le spectre d’émission sonore. Des campagnes de mesures réalisées dans différents parcs éoliens français le confirment : pour tous les sites, les spectres d’émission ont un contenu large bande où les infrasons et basses fréquences sont majoritaires (rapport d’expertise collective ANSES, 2016). Le niveau sonore des infrasons et des sons basses fréquences augmente avec la taille du rotor de l’éolienne(5 ). Le niveau sonore a été étudié dans les infrasons à plusieurs distances d’une turbine d’éolienne. Il semblerait que jusqu’à 3,5 kms, le niveau sonore reste proche de 30 décibels(6 ). Malheureusement l’étude n’a pas été plus loin que 3,5 kms.
Selon un article de Futura santé, les infrasons peuvent se propager sur de longues distances (plus de 10kms). La présence d’éoliennes risque donc fortement de perturber les colonies locales d’abeilles mellifères. La présence de nombreux apiculteurs autour de la zone d’implantation des éoliennes n’a pas été considérée dans l’étude d’impact, ce qui est un non-sens, et ce surtout vu le manque connaissances sur l’effet des éoliennes sur les abeilles. Une étude a d’ailleurs démarré cette année sur un rucher situé dans le parc éolien de Chamole, les résultats ne seront pas disponibles avant 2023.
il apparaît donc imprudent de négliger ce risque avant toute conclusion de l’étude en cours, et ce d’autant plus que le 7 octobre dernier, l’assemblée nationale a, en adoptant la résolution n°678, demandé au gouvernement de déclarer la sauvegarde des abeilles grande cause nationale 2022. La validation d’un projet éolien à proximité de nombreux ruchers serait alors totalement incohérente et inacceptable.
Il est important de rappeler que l’abeille est un maillon essentiel de la biodiversité et un insecte pollinisateur majeur irremplaçable. La survie de près de 80% des espèces végétales répertoriées sur la planète dépend des abeilles, qui fournissent plus de la moitié de nos ressources alimentaires mondiales. Depuis le milieu des années 80, des phénomènes de surmortalité des colonies sont observés, leur santé est mise à mal par bon nombre de facteurs (agents pathogènes et prédateurs, baisse des ressources alimentaires, exposition aux pesticides, …) alors ne leur imposons pas une difficulté supplémentaire.
1 Hunt, J.H. and F.-J. Richard 2013. Intracolony vibroacoustic communication in social insects. Insect. Soc. 60: 405-417.
2 Acoustical communication in honeybees, Kirchner W.H., 1993, Apidologie 24, pp. 297-307
3 Dreller, C. and W.H. Kirchner 1993a. Hearing in honeybees: localization of the auditory sense organ. J. Comp. Dreller, auditory sense organ. J. Comp. Physiol. A 173: 275-279.
4 M McNeil, M.E.A. 2015. Sounds of the hive Part 1. Am. Bee J. 155(9): 985-989
5 Møller H and Pedersen C S 2011 Low-frequency noise from large wind turbines J. Acoust. Soc. Am. 129 3727– 44
6 Low-frequency noise from large wind turbines, Møller H. and Pedersen C.S., 2010, Section of Acoustics, Aalborg University, Acoustical Society of America, pp. 3727-3744.
Bien cordialement
Virginie Cucheval